LE REVENU D'EXISTENCE
Le Revenu d'existence(1) (ou revenu de base, revenu de citoyenneté, revenu social garanti, dividende universel....), est un revenu versé inconditionnellement, c'est à dire sans justification de ressources, à tout individu, de sa naissance à sa mort, du seul fait qu'il existe. Cette inconditionnalité choque a priori nos mentalités car notre éducation nous a enseigné que la dignité vient du travail, puisque "tu gagneras ton pain à la sueur de ton front". Il ne faut pourtant pas perdre de vue que le travail rémunéré, pour nécessaire qu'il soit, ne peut plus être notre seule référence et le seul fondement du lien social. En effet, une fraction croissante du revenu des ménages se forme déjà indépendamment de toute participation à l'effort productif(2).
Notre rémunération professionnelle n'est pas non plus le fruit de notre seul effort. Elle dépend également du capital social collectif, c'est à dire du savoir faire et du travail des générations antérieures qui conditionnent l'ensemble des connaissances, le niveau des salaires, les infrastructures et la culture même dans laquelle nous vivons. Or, c'est cet ensemble qui est à l'origine de l'efficacité des efforts individuels et qui caractérise le niveau de vie d'un pays. Sinon, pourquoi à effort égal, le pouvoir d'achat varierait-il selon le niveau de développement économique des pays ? Les fruits de cet héritage et de cet effort collectif appartiennent donc à tous et la justice sociale impose que chacun en reçoive sa part.
Pour l'individu, ce revenu de base alloué à chacun parce qu'il existe, calculé à partir de la richesse produite par le pays auquel on appartient, cumulable avec les autres revenus d'activité, viendra se substituer aux revenus de transferts existants, hormis les aides à la personne pour incapacités physiques ou mentales. Il répond à son besoin de sécurité.
Pour la collectivité, ce nouveau mode de distribution de revenus, parfaitement transparent, simple à appliquer et à contrôler, assure une parfaite égalité entre tous les citoyens. Il concrétise leur appartenance à la collectivité, facteur d'intégration et de paix sociale. Il exprime la reconnaissance de la dignité de toute personne et concrétise son appartenance à la communauté humaine. Son cumul avec les autres revenus supprime le handicap des seuils de pauvreté et n'est plus une désincitation au travail, toute activité rémunérée générant un revenu supplémentaire. La collectivité reconnaît ainsi la valeur économique et sociale du travail gratuit, tout particulièrement du travail domestique, tellement nécessaire et utile, d'autant qu'il exonère la société d'importants coûts d'infrastructures et de services à la personne particulièrement onéreux. En outre, le versement d'un revenu régulier, avantageant en premier et en toutes circonstances les plus démunis, réduira l'amplitude des variations conjoncturelles.
Pour le Tiers Monde, les aides ainsi versées à la personne et non plus aux gouvernements modifieront radicalement notre assistance et notre lutte contre la misère dans le monde, et amélioreront l'impact, la crédibilité et l'efficacité de l'aide des pays riches au bénéfice des plus pauvres. Avec seulement 1 dollar
par jour on doublerait le revenu des plus démunis. Assurés d'une ressource garantie tout au long de leur vie, ils ne seraient plus contraints d'avoir autant d'enfants pour protéger leurs vieux jours, mettant ainsi un terme à la surpopulation. En augmentant le pouvoir d'achat du plus grand nombre, on facilitera le développement de vastes marchés intérieurs, rendant par la même inutile la course effrénée aux exportations. C'est alors un nouveau mode de développement qui pourrait voir le jour, moins concurrentiel et plus humain.
À cet ensemble de propositions, trois objections principales sont généralement présentées :
* Cette réforme est une incitation à la paresse : nous y avons déjà répondu.
* Donner une somme identique aux riches et aux pauvres est profondément injuste : pour lever cette objection, il suffit de rendre imposable le revenu d'existence qui viendra alors s'ajouter aux tranches marginales d'imposition, pénalisation d'autant plus forte que le revenu est plus élevé.
* Ce projet généreux n'est pas finançable.
Dans la conjoncture présente, la distribution de ce revenu, particulièrement pour les plus démunis, non seulement resserrerait notre lien social si distendu, mais encore relancerait l'activité économique avec, pour corollaire, une réduction du chômage sans risque inflationniste, les charges des entreprises n'étant en rien augmentées et les capacités productives de la nation, présentement sous utilisées, pouvant aisément répondre à une nette augmentation de la demande. Au delà de cette période de lancement la relève serait assurée par l'impôt, mais alors sur la base d'un PIB fortement accru, donc sans avoir à augmenter les taux d'imposition.
NOTES :
2. La part des prestations sociales dans le PIB ne cesse de croître dans les pays avancés et le travail rémunéré ne concerne qu'une tranche de la population, alors que 3/5 du travail productif échappe au salariat (travail au noir, travail domestique, éducation, auto-production, bénévolat).
3. Le financement des 5 premières années, selon une montée en régime progressive, pourrait être assuré par l'apport échelonné de 216 milliards d'euros, par le biais d'une rente perpétuelle servie par les banques au taux maxi de 1% l'an (taux suffisant pour les couvrir de leurs frais de gestion).